Il y a quelques années, j’ai vu passé le tweet d’un professeur de stratégie d’une université new-yorkaise (je n’arrive hélas pas à me rappeler de son nom) qui taquinait twitter en posant le défi suivant:

« Quels sont d’après-vous les deux ingrédients les plus importants d’une stratégie? Presque tout le monde se trompe et oublie toujours un élément crucial. »

Alors bien entendu, ledit professeur reconnaissait par la suite qu’il s’agissait d’une question piège, qu’évidemment, une stratégie a plus de deux ingrédients importants.

Toutefois, en lisant les réponses à son tweet, on pouvait y lire des réponses absolument identiques. Le vocabulaire pouvait varier, mais l’ensemble des réponses, sans exception, mettait l’accent sur les deux concepts suivants: un objectif et un plan pour atteindre cet objectif.

Une destination. Un chemin.

L’élément crucial et manquant? Un point de départ.

Thinking « inside » the box

Dans son livre Good Strategy / Bad Strategy, Richard P. Rumelt insiste sur ce point, disant très clairement: « Etre ambitieux ne signifie pas que vous avez une stratégie ». A ses yeux, tout doit commencer par un diagnostic.

S’affranchir d’un diagnostic de départ, les yeux uniquement rivés sur l’objectif à atteindre, c’est se couper d’un travail d’analyse qui aurait pu faire clarifier forces, faiblesses, opportunités et menaces.

Ce sont d’importants leviers et d’importants dangers qui ne seront pas cartographiés.

La même chose que d’habitude, mais en mieux

Un diagnostic révélant autant le positif que le négatif, on peut comprendre pourquoi si peu de décideurs et décideuses se prêtent à l’exercice.

Il est toujours inconfortable de devoir s’attarder sur ce qui ne va pas.

Pire encore, que se passerait-il si le diagnostic venait à révéler que l’objectif fixé, l’ambition affichée, était tout bonnement inatteignable?

La stratégie d’entreprise se traduit ainsi trop souvent par un calendrier dans lequel on saupoudre les même tactiques que l’année précédente, avec des objectifs plus ambitieux.

Puisqu’il n’y a pas de problèmes à résoudre, il suffit de travailler (plus) dur. De là à vous dire qu’il s’agit d’une question de growth mindset… il n’y a qu’un pas.

Créer de la tension

Dans Le vide stratégique, Philippe Baumard définit le vide stratégique comme « le refus d’interroger le réel ».

J’ai l’intime conviction que le travail du stratège se trouve là: les deux pieds sur terre, d’abord inside the box, tâchant de réconcilier ce qui est avec ce qui pourrait être.

C’est en créant cette tension entre réels et futurs, entre capacités et aspirations, qu’une stratégie peut naitre.

La tâche est ardue et sans garanties, mais qu’elle est belle.